mercredi, mai 20, 2009

Le pont de bercy

Vous connaissez les petits plaisirs de Philippe Delerm ? Et bien pour une parisienne vivant sur la rive gauche et travaillant sur la rive droite de l’Est parisien le petit plaisir a lieu tous les matins entre le quai de la gare et Bercy.

Départ Sèvre Lecourbe.

Le jour est déjà levé mais contrairement à lui je suis mal réveillée

Travailler.

Quand on est étudiante, on rêve souvent de cette indépendance qui n’est pas seulement financière- rêve de satisfaction qui va au-delà d’avoir des amis mais qui réside dans l’épanouissement professionnel. Se lever chaque matin et savoir que l’heure de trajet trouvera sa raison d’être. Tout le monde en rêve. Je pensais pendant un temps l’avoir trouvé.

Malgré le bonheur qu’enseigner me procure, je me rends compte de la routine qui s’est installée. Quand j’ai pris la décision de me poser un temps à Paris, cette routine je l’avais déjà à l’esprit. Le métro-boulot-dodo qui guette tout parisien est déprimant… pourtant il suffit parfois d’un pont traversé chaque matin pour que cette routine se transforme en une raison de rester. Tel un griot africain qui annonce les nouvelles, ce passage selon s’il est pluvieux ou ourlé de rose m’annoncera le ton de ma journée.

Que se passe-t-il sur ce pont me direz vous ? et bien c’est un tout qui ne dure que 12 secondes mais qui vous en mettent plein les yeux.

Comme tout bon spectacle, il vous faut quelques éléments indispensables :

-pas de musicien. Déjà passés entre Trocadéro et Glacière, les accordéonistes roumains savent qu’après Place d’Italie, les touristes généreux sont moins nombreux : A cette heure de la matinée seuls des travailleurs ronchons se partagent les sièges des wagons. Mais tant mieux, un mauvais musicien pourrait tout gâcher.

-La lumière : la lumière du matin va si bien à ce coin de Paris : le ciel quelque soit sa couleur sera de toutes façons plus foncé que la fumée qui sort des grosses cheminées du bord de Seine.

-la structure de la scène :

Du bateau bus qui relie la rive droite à la BNF aux interminables queues de voitures pare-chocs contre pare-chocs aux feux rouges ; une Seine en mouvement qui trouve sa structure par ces quatre blocs que forment la bibliothèque François Mittérand qui la bordent.

Bercy les pieds dans l’eau. Le ministre laisse souvent son bateau à quai… mon esprit vagabonde dans ces bureaux, m’imaginant un instant chargé de comm, ou «petite main »pour ces « grands ».

Les coureurs sur le trottoir d’en face me donnent envie de m’y mettre… bonne résolution du matin !

Quand arrive au palais omnisports sur la gauche le meilleur est déjà pris… le tunnel arrive je le sais bien !

12 secondes viennent de s’écouler… Rideau… regard de satisfaction entre spectateurs. Complices du matin. Certains passagers blasés ou trop bons lecteurs de la presse gratuite ou du dernier best seller à la mode ne relèveront même pas la tête. D’autres comme moi se sont laissés séduire par ce spectacle et ont un regard rêveur…

La suite est assez classique : je pars alors dans les listes de tout ce que je dois, devrais, et parfois heureusement vais faire.

Les tunnels se succèdent dans cette fin de ligne6. Un ultime répit à Bel-Air… nom prédestiné avant de replonger en apnée dans la vie parisienne. Il est 8 heures je peux commencer ma journée.